Aujourd’hui j’ai envoyé à une célèbre université un dossier de candidature pour un MasterPro en réalisation. Pourtant je ne crois absolument pas en l’enseignement artistique. En tout cas dans mon cas, ça me semble parfaitement inutile. Non pas que je n’ai rien à apprendre mais j’ai la prétention de croire que ce que j’ai à apprendre personne ne peut le faire et que cela doit nécessairement passer par l’autodidactisme. Cependant, je m’apprête à entamer une nouvelle vie dans la capitale dans l’espoir de faire du cinéma. Je ne connais personne de ce milieu et je n’est aucun contact préalable. J’arrive totalement vierge et ma lâcheté d’être humain m’a fait sauter sur cette opportunité pour intégrer une université préstigieuse dont les élèves auront, je suppose, du crédit. Je ne pense pas que ça m’aidera tellement professionnellement car pour connaître bien le milieu universitaire, je sais pertinemment qu’il n’est pas formateur, toutefois j’ai l’espoir que cette année soit plus douce et introductrice et qu’elle contienne, d’emblée, un objectif. Alors voilà j’ai dû être hypocrite. Ecrire une lettre de motivation où je mentais du début à la fin car mes motivations de futur élève sont bien peu compatibles avec les leurs d’enseignants. J’ai toujours été doué pour cela. Construire de jolies phrases dans lesquelles je ne croyais à rien mais qui par leurs apparentes enjolivures faisaient illusion. Je me souviens que lorsque j’étais en Terminale, je faisais des devoirs de philosophie dans lesquels la forme, la longueur et la complexité de mes phrases étaient largement prégnants sur le sens supposé qu’elles devaient avoir.
Au fond, je suis sans doute quelqu’un d’assez superficiel.
Toujours est-il que me voilà de nouveau dans l’attente fébrile d’une réponse, d’une convocation à un oral que je mentalise déjà flamboyant et exubérant. Pour être honnête j’ai assez peu d’illusion concernant ma potentielle sélection. Si j’ai de bonnes notes et un dossier décent, j’ai envoyé mes courts-métrages ce qui pourrait anéantir immédiatement mes maigres chances d’intégrer cette élite. Surtout mon dernier court-métrage, Entre la Lune et le Soleil, tellement anti-académique avec son romantisme acharné et sa poèsie surranée. Je pense que ça ne plaira pas. Enfin, dans tout les cas je survivrais. J’aime à penser que ma vie sera totalement différente en fonction de la réussite ou de l’echec de cette tentative. Je ne rencontrerais pas les mêmes personnes, je n’aurais pas les mêmes activités, je ne travaillerais pas sur la même chose. Des fois, masochistement, j’apprécie d’être le jouet de cette roue du destin. Qu’un connard quelconque dans un bureau décide ce qu’il adviendra de moi. Comme si on se jouait soi-même à la loterie. Et la roue est lancée, les boules rebondissent de part en part, s’entrechoquant l’une l’autre alors que, fasciné, je les regarde évoluer selon des lois physiques et gravitationnelles qui me sont totalement étrangères. Là mes yeux rivés sur leurs parcours chaotique j’attends que l’une d’elle prenne le chemin du petit trou, situé au bas de la roue et qu’elle roule jusqu’au bout de la rampe de métal pour laisser apparaître son numéro. Là, patiemment, inconscient, immobile, la lèvre molle et tremblotante, j’attends.